Combiner les aides pour rénover et décarboner l’UE

Publié le 06 Août 2024

Le Think Tank Bruegel se demande comment relever les défis de la directive sur la performance énergétique des bâtiments. Il affirme que pour financer la décarbonation des bâtiments de l’UE, il faudra combiner des subventions, des prêts, des incitations fiscales et des obligations. En effet, « aucune politique ne permettra à elle seule d’accélérer les rénovations énergétiques ».

Financer la décarbonation des bâtiments

La note s’intitule How to finance the European Union’s building decarbonisation plan. Traduction : comment financer le plan de décarbonation des bâtiments de l’Union européenne ?

C’est un examen des défis liés aux objectifs de la DPEB / EPBD et à l’introduction de l’ETS2. L’ETS2 est le nouveau système d’échange de quotas d’émission qui entrera en vigueur en 2027 ou 2028. Selon les auteurs, pour atteindre les objectifs de diminution de la consommation d’énergie de la DPEB et les objectifs climatiques à l’horizon 2030, il faudrait à la fois :

  • combler un déficit d’investissement d’environ 150 Md€ par an ;
  • tripler les réductions d’émissions liées au chauffage et à la climatisation.

La méthode de calcul est téléchargeable en annexe. Si les estimations sont justes, l’objectif est ambitieux. Est-il réalisable ? Oui, estime le Think Tank, à condition de changer de stratégie.

Rénovation et décarbonation dans l’UE

Entre 2016 et 2020, il y a eu 1 % de bâtiments rénovés chaque année dans l’UE, dont 0,6 % de bâtiments résidentiels. Les rénovations globales ont concerné 0,2 % du parc immobilier résidentiel. La vague de rénovation de 2020 devait permettre de doubler ce taux de rénovation et de promouvoir les rénovations énergétiques globales.

Nous n’avons que des estimations quant à la quantité de rénovations achevées au cours des trois dernières années dans l’UE. Cependant, toute la littérature scientifique s’accorde sur la nécessiter d’augmenter le taux de rénovations énergétiques globales pour atteindre les objectifs climatiques.

Du côté des solutions énergétiques, la Commission européenne fixait un objectif, pour 2030, de 30 millions de pompes à chaleur. Les PAC devaient remplacer une partie des 68 millions de chaudières gaz et des 18 millions de chaudières fioul. Compte tenu de la situation actuelle (23 millions de PAC), il faudrait installer 5 millions de PAC par an.

Les auteurs signalent que l’UE n’a fixé aucun objectif spécifique quant au chauffage urbain décarboné. Pourtant, dans les zones urbaines denses, cette solution permettrait de réduire les coûts tout en apportant davantage de flexibilité aux réseaux électriques.

5 freins à la rénovation et à la décarbonation

Bruegel identifie 5 freins à l’accélération de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Premièrement, les rénovations énergétiques coûtent cher et offrent des retours sur investissement à long terme. Elles ne sont donc pas attractives.

Deuxièmement, le prix des combustibles fossiles pour le chauffage ne reflète pas le coût de leurs émissions carbone. En prime, la taxation de l’énergie dans l’UE favorise les combustibles fossiles, même si l’ETS2 résoudra une petite partie du problème.

Troisièmement, les aides à la rénovation énergétique sont insuffisantes pour de nombreux ménages. Les entreprises n’ont pas accès aux fonds nécessaires non plus. Les particuliers aux revenus les plus faibles sont aussi confrontés à des difficultés d’emprunt.

Quatrièmement, un tiers des résidents de l’UE sont des locataires. Les propriétaires bailleurs doivent donc payer une rénovation énergétique qui bénéficie surtout à leurs locataires. Cinquièmement, le manque d’informations et les complexités administratives dissuadent de mener un projet de rénovation.

Aides à la rénovation : succès et échecs

La note contient un focus sur quelques plans mis en œuvre pour favoriser la rénovation ou la décarbonation en Italie, en Allemagne et en France. En Italie, le programme Superbonus, lancé en mai 2020, offre un crédit d’impôt de 110 € pour inciter à rénover. À ce jour, les coûts sont largement supérieurs aux attentes. Ils ont augmenté la dette de l’Italie.

Comme le crédit d’impôt couvrait la totalité des frais liés aux travaux, les ménages n’ont pas négocié les prix. Par conséquent, le dispositif a coûté très cher. Finalement, en 2024, seuls 5 % des bâtiments italiens avaient été rénovés dans ce cadre. De plus, le programme a favorisé les ménages très aisés, même s’il a été recentré sur les plus modestes en 2023.

L’Allemagne a approuvé un projet de loi visant à éliminer progressivement les chaudières à combustibles fossiles d’ici à 2024. Ce fut un échec. D’abord, les délais d’attente pour obtenir des aides au remplacement des systèmes de chauffage étaient beaucoup trop longs. Ensuite, il n’y avait pas assez de professionnels qualifiés pour l’installation de PAC. L’approvisionnement en électricité pour les PAC était également insuffisant.

Finalement, « le programme a en fait entraîné une augmentation de la part des systèmes de chauffage au gaz et au mazout, et la date limite d’interdiction des chaudières a été repoussée à 2028, ce qui fait que l’Allemagne risque de ne pas atteindre ses objectifs climatiques. »

En France, l’éco-prêt à taux zéro (éco-ptz) a fortement augmenté les taux de rénovation durant les deux premières années du programme. Toutefois, ce sont les ménages à haut revenus, plus susceptibles d’être propriétaires, qui ont été les principaux bénéficiaires. Les ménages à faibles revenus ont constaté des gains moins importants.

Lever les obstacles à la rénovation dans l’UE

En conclusion, « une combinaison de subventions, de prêts préférentiels et d’obligations de rénovation énergétique est nécessaire. » La DPEB oblige à cibler les bâtiments les moins performants. Comme ils sont souvent occupés par les ménages les plus vulnérables, nous cumulerons ainsi « les avantages en termes de climat, d’amélioration de la qualité de l’air, de la santé, de la productivité et de la sécurité énergétique. »

Le centre de réflexion pro-européen insiste sur le rôle des banques. « Les subventions publiques traditionnelles n’ont pas réussi à mobiliser le secteur bancaire, qui doit maintenant contribuer à encourager les mécanismes de financement privé-public ». De plus, il recommande aux pays d’ajuster les prix relatifs de l’énergie pour le chauffage, grâce à la fiscalité et aux subventions.

Enfin, il considère qu’il faut développer massivement les guichets uniques (c’est-à-dire le service public France Rénov’ dans l’Hexagone). Ils permettront de « rationaliser le processus de rénovation énergétique pour les consommateurs ».

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